السبت، 17 أغسطس 2013

Les dessous-de-table...



La question sera abordée sous trois angles différents, je ne suppute de rien car toute interprétation demeurera hypothétique et déformera les faits, donc je me contente de vous rapporter le « tout » sans interférence de ma part, étant témoin et non pas acteur.

*Sit-in et mobilisation : « tamarod était une bonne initiative, mais elle n’avait pas eu l’impact qu’on espérait, on avait essayé d’orienter le mouvement, de l’encadrer de lui donner les moyens matériels dont il avait besoin pour que ça fasse tâche d’huile, mais d’un côté, on avait fait face à leurs réticences quant à une éventuelle collaboration active avec les cellules dormantes du RCD, de l’autre, on était conscient que le scénario égyptien n’était pas reproductible en Tunisie, donc, on a opté pour le sit-in du Bardo et franchement on avait des doutes sur la volonté de certains députés à rallier ce mouvement. Il a fallu user de moyens et de méthodes peu orthodoxes, y compris menaces et chantages, afin que les récalcitrants rejoignent les initiateurs du sit-in, il était essentiel d’en avoir au moins une soixantaine et de tomber d’accord ensuite sur les revendications. Là, c’était beaucoup plus difficile, car la majorité d’entre-eux à rejeter tout de go les solutions extrêmes dont le démantèlement de l’ANC qui n’a recueilli l’adhésion que d’une dizaine de députés. Le financement ? Une forte mobilisation nécessite un parrainage, à fortiori, quand on sait que le mois de Ramadan n’est pas propice à ce genre de manifestation et ce malgré l’ampleur de l’émotion qui a gagné l’opinion publique après l’assassinat de feu Brahmi et le massacre perpétré au Chaambi, mais c’était insuffisant pour rassembler et sur la durée une masse importante de Tunisiens. Un grand nombre d’hommes d’affaires dont H.M, M, M, Ch, E, B.A, D, ainsi que des « amis » étrangers nous ont fourni les moyens dont on avait besoin pour opérer sur deux plans : une campagne médiatique tous azimuts via nos relais traditionnels et nos pages « Facebook » ainsi que l’organisation proprement dite du sit-in avec toute la logistique qui suit. L’adhésion des rcédéistes et des destouriens étant acquise, il fallait convaincre démocrates et progressistes de rejoindre le mouvement nonobstant les craintes que suscitent auprès d’eux un rapprochement, fût-il conjoncturel, avec les forces dites bourgeoises et réactionnaires. Disons que la mayonnaise a pris moyennant parfois arguments sonnants et trébuchants, l’idéalisme de certains étant uniquement de façade, mais ça, on le savait déjà, et par le passé, des députés de l’ANC ont perçu des sommes faramineuses pour affaiblir la troïka ou pour constituer un groupe « Nidaa » à l’ANC. Selon leur poids et popularité respectifs, ça allait de 50 millions jusqu’à 200 millions, il faut dire que Ksila, en tant que rabatteur, est unique. D’ailleurs, on avait nos petits soldats à l’ANC, y compris parmi la majorité, qui, le moment opportun, retardaient les travaux, multipliant les actions velléitaires et spectaculaires, accomplissant les sales besognes…Ils se faisaient rétribuer en échange de leurs bons et loyaux services.

Revenons au bardo, le front populaire avait une bonne audience auprès des jeunes et des femmes, « Nidaa » s’appuyait largement sur les réseaux récédéistes qu’on a réussi à réactiver, l’UGTT envoyait les siens mais ça ne devait pas être visible, les autres partis avaient une faible audience et une capacité de mobilisation restreinte à une élite intellectuelle, universitaire…Les premiers jours, il y avait un air de kermesse et de pique-nique assez gênant, et on a été rabroué à cause de ça par les militants du Front populaire, c’est alors qu’on a eu l’idée de contacter H.M pour que les ultras de l’Espérance ainsi que d’autres clubs viennent à la rescousse et donnent une image moins embourgeoisée du sit-in, là aussi, il fallait assurer, car les exigences de certains ne se limitaient pas à l’argent, leur euphorie, disons, avait besoin de carburant… »

*Le Front Populaire : « C’est un conglomérat de marxistes, d’anarchistes, de baathistes, de nationalistes progressistes…Difficile à gérer une quelconque alliance avec eux, trop radicaux, ils stigmatisent nos actions mais ils sont conscients de leurs handicaps et savent que leur survie politique dépend de nous. Tôt ou tard, nos routes se sépareront, pour le moment, c’est un mariage « de convenance et de connivence », Marzouk et Ben Ticha entretiennent des relations beaucoup plus que cordiales avec eux ce qui a rendu possible ces épousailles bien que notre base et la leur ne voient pas d’un bon œil cette alliance, qui, à vrai dire, n’en sera jamais une, notre stratégie actuelle vise à accentuer la bipolarisation afin d’affaiblir dans un premier temps les extrêmes et ensuite de favoriser des rassemblements idéologiquement homogènes. On juge, par ailleurs que le front populaire est plus dangereux que les islamistes et constitue à quelques égards, la seule force révolutionnaire de ce pays, la pression actuelle, si elle aboutit au changement escompté, nous permettra par la suite de « démédiatiser » facilement ceux qui sont à l’heure qu’il est « surmédiatisés ». Nous n’avons pas le même projet de société et nos divergences sont profondes. Le front populaire c’est un peu « notre chair à canon », « notre réservoir de martyrs et de veuves éplorées », ça véhicule, dans des registres différents, de l’émotion, de la douleur contenue, de la dignité, de la force de caractère, de la détermination, on avait besoin de symboles qui attisent la rébellion et lui donnent ce souffle et ce flux qui risquent à tout moment de s’interrompre. Ce climat de peur, d’insécurité, de terreur est notre meilleur allié, tant qu’il persiste et nous œuvrons pour qu’il persiste, ça accroitra nos chances de parvenir au but et de les déloger du pouvoir, à terme, nous envisageons deux perspectives :la première consiste à éloigner d’Ennahdha leur électorat aléatoire, les ramener au-dessous de la barre des 10%,la seconde, continuer le travail de sape pour isoler Ennahdha de ses alliés et lui imputer le plus de « crimes possibles », car, en criminalisant le mouvement, on peut par la suite l’éradiquer, et pour ce faire, nous comptons sur nos allégeances au sein de l’armée et du ministère de l’intérieur ainsi que sur les « milices » disposées à opérer sur le territoire pour rendre la tâche plus aisée. Nous avons déjà accompli du bon boulot en noyautant le CPR et Ettakatol et en précipitant les dissensions et les départs, Chebbi a compris le message, en deux jours, alors qu’il flirtait ouvertement avec Ennahdha, nous l’avons délesté d’une bonne quarantaine de cadres et de militants, son leadership était contesté, y compris parmi ses fidèles et l’assassinat de Brahmi a contribué à son énième revirement, n’empêche qu’on le tient à l’œil tellement il est imprévisible.

*L’avenir de l’ANC : « Il n’est pas question que l’ANC soit dissoute, l’UGTT sait pertinemment ce qu’elle doit faire, l’objectif est de renverser le gouvernement, mais on n' avait guère le choix, on a entrepris un travail visant à décrédibiliser l’ANC, ça a fonctionné, il fallait donc utiliser l’ANC comme appât pour brasser large et mobiliser les masses, on était persuadé de l’existence d’un consensus autour de cette idée et on était conscient que l’opinion publique, bien que partagée, nous soutiendra dès lors qu’on exigera la dissolution de ladite assemblée. Mais ne soyons pas dupes, les travaux de l’assemblée doivent continuer mais, si on gagne cette bataille décisive, ça se fera selon nos conditions et selon le calendrier que nous avons préparé. Une fois dos au mur, Ennahdha sera obligée de multiplier les concessions ce qui se répercutera sur ses relations avec sa base la plus radicale et la moins enthousiaste à l’idée d’un accord avec « Nidaa » , le pourrissement au sein d’Ennahdha conduira inéluctablement à un éclatement, nous, nous ne souhaitons pas la disparition d’Ennahdha du paysage politique, c’est improbable, mais une large dissidence en son sein et la création d’un parti islamiste modéré(Jebali) figurent parmi nos priorités.Hammami est obligé de suivre nos plans, sans nos relais médiatiques et sans nos moyens qu’il estime à leur juste valeur maintenant, il sait qu’on peut le déboulonner à tout moment, c’est un peu notre idiot utile en ce sens que son discours est encore mobilisateur. Mais, après, il faut bien se débarrasser de ce poids mort, on ne peut que se méfier de lui, des arrangements sont possibles avec le front d’en face mais pas avec lui. »

Par Chiheb Boughedir